Ces raids changent-ils le débat sur la protection des biens culturels ?
Une tendance se dessine. Des voleurs s’introduisent dans des musées, dérobent des objets culturels en or et en pierres précieuses, les détruisent pour récupérer les matières premières de valeur, puis les revendent – en toute sécurité – au bijoutier ou au négociant en or le plus proche. Il s’agit d’une vieille pratique que nous avions presque oubliée.
Un terrible vol de pièces de monnaie en 1831
C’est précisément ainsi que les cambrioleurs ont procédé lorsqu’ils ont dévalisé le Cabinet des Médailles de Paris dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831. Ils ont volé des pièces d’or et d’argent pesant 80 kilogrammes (!), dont le « trésor de Childéric » avec le sceau royal. Ils ont également dérobé des bijoux et environ 2 000 pièces d’or, dont de nombreuses pièces uniques ainsi que des aurei, solidi et multipla romains. Vidocq, le légendaire chef de la Sûreté parisienne, a déduit qui était impliqué à partir de la méthode utilisée. Il a réussi à les identifier. En fait, tous les voleurs ont été condamnés et l’ensemble des biens culturels a été récupéré. Sous la forme de 75 lingots d’or et d’argent. Seule une infime partie des trésors a échappé à la fonte.
Le terrible vol de pièces de monnaie à Manching
Cette histoire vous semble-t-elle familière ? Exactement la même chose est arrivée aux pièces celtiques de Manching. Cela s’est produit avec la pièce d’or canadienne de 100 kg, qui a été transportée à l’aide d’une brouette hors du musée Bode. Les bijoux volés au Louvre auraient subi le même sort si les politiciens n’avaient pas fait de la recherche des criminels une priorité absolue. Espérons que la présence massive de la police empêchera le pire de se produire. Mais soyons honnêtes : si cela ne s’était pas produit au Louvre, si les objets n’avaient pas été associés à des noms célèbres tels que Napoléon et l’impératrice Eugénie, l’affaire aurait été étouffée. Nous verrons si les pièces volées à Langres réapparaîtront un jour !
Les pièces de monnaie sont faites de métaux précieux
Et cela nous amène au cœur du problème : les pièces de monnaie sont généralement faites d’or et d’argent. Les fondre est un jeu d’enfant. Les outils nécessaires peuvent être commandés en ligne, et une fois fondues, aucun bijoutier ne peut dire de quel or est fait un lingot.
Les pièces ont toujours été fabriquées en or et en argent. Avant l’apparition des collectionneurs et des marchands de pièces, elles étaient apportées à la Monnaie ou chez un orfèvre pour être fondues. Peu importait qu’il s’agisse d’un aureus de Pertinax en FDC ou d’un aureus usé de Néron. Après tout, les deux pièces contenaient 7 grammes d’or. Et l’or était et reste précieux.
Le problème ne vient pas du marché de l’art, mais de la société
Ainsi, toutes les saisies effectuées ces dernières années illustrent un fait que les collectionneurs ont maintes fois évoqué dans le débat sur la protection des biens culturels. Cependant, aucun politicien n’a voulu entendre cet argument : la fin du marché de l’art ne mettra pas fin au pillage. Elle garantirait seulement que les pièces finissent dans les creusets des orfèvres locaux, comme c’était régulièrement le cas dans les années 1950 et 1960.
Des marchands de monnaie tels que Pierre Strauss ont sauvé des centaines de pièces séleucides en se rendant régulièrement dans les bazars de Damas ou d’Alep, où ils dénichent des trésors numismatiques parmi les marchandises fondues.
Car il y a des gens en Syrie, en Afghanistan et probablement aussi en Sicile qui n’ont ni travail ni espoir, qui sont indifférents au sort des biens culturels tant que cela leur assure le repas dont ils ont besoin pour survivre.
Peut-on reprocher à ces personnes de rechercher de vieilles pièces de monnaie, qu’elles vendent ensuite à un marchand local pour une fraction de leur valeur ?
Le marché de l’art, une bonne excuse pour ne rien faire
Les pays qui se soucient de leurs trésors culturels doivent les protéger localement. Mais la volonté politique fait défaut. Préserver le patrimoine national coûte de l’argent, du travail et des efforts. Les politiciens préfèrent investir dans des projets plus prestigieux. Et non, ce n’est pas une critique du grand nouveau musée au pied des pyramides. (Enfin, peut-être un peu.) C’est l’échec des gouvernements qui conduit au pillage de leurs biens culturels nationaux. Blâmer le marché de l’art pour cela est une excuse facile qui a été répétée si souvent et avec une telle autorité que les médias et, avec eux, le public en sont venus à y croire.
Il est tragique que nos instituts archéologiques à travers le monde dépendent de la bonne volonté de ces mêmes gouvernements. Ils ont besoin de leurs permis de fouille s’ils ne veulent pas perdre leur raison d’être. Ainsi, des phares scientifiques tels que le DAI sont devenus les complices de gouvernements étrangers et ont répandu le mythe selon lequel le marché de l’art était seul responsable de la vente des biens culturels étrangers.
Non, les collectionneurs ne veulent pas de fouilles illégales !
Comprenez-moi bien : je ne souhaite certainement pas un retour aux conditions des années 1950 et 1960. Comme la plupart des autres collectionneurs, je veux que les fouilles illicites cessent. Je veux aider avec mes ressources limitées. Mais je veux aussi un débat à armes égales, dans lequel nous discutons tous de la manière dont nous pouvons mieux protéger les biens culturels. Personne ne devrait être cloué au pilori dans ce débat. Au contraire, nous devrions discuter ouvertement et à armes égales des problèmes et des solutions possibles.
L’éducation comme élément clé
Oui, bien sûr, il faut investir beaucoup d’argent pour mieux protéger les biens culturels. Mais d’autres mesures doivent également être discutées. À mon avis, l’éducation est essentielle à la préservation des biens culturels. Ceux qui ne s’intéressent pas aux Celtes, qui n’ont aucun lien avec Napoléon, n’ont aucun scrupule à détruire leurs reliques. Il est révélateur de voir avec quelle suffisance des numismates hautement qualifiés ont commenté la fonte de la pièce d’or canadienne de 100 kg. Pour eux, il ne s’agissait pas d’un témoignage de notre histoire, mais simplement d’une « autre pièce moderne ». À leurs yeux, le creuset était exactement l’endroit qui lui convenait. Aucun d’entre eux n’a pris en considération le chef-d’œuvre technique qui se cachait derrière sa production. Sans parler de son importance historique pour l’histoire du commerce de l’or. La consternation qui a suivi la fonte des statères celtiques de Manching, dont il ne restait plus que quelques lingots, était tout autre.
Si nous, numismates, discutons déjà de ce qui constitue un patrimoine culturel important et de ce qui peut être jeté, qu’en est-il dans d’autres pays ? Que se passera-t-il ici si les cours d’histoire sont encore réduits, si les musées diffusent principalement des messages politiques et si la fascination pour les objets s’estompe de plus en plus ?
Le profit comme solution
Je reste fermement convaincu que la solution au problème réside dans la recherche du profit par l’être humain. Une récompense équitable incite ceux qui trouvent des pièces de monnaie à coopérer avec les archéologues responsables. C’est là qu’intervient le British Portable Antiquities Scheme, qui fait un excellent travail de liaison entre le public et le monde scientifique.
Cependant, les expériences tirées du tourisme africain entrent également en jeu. Les gardes forestiers qui gagnent un salaire sûr pour guider les touristes dans un parc animalier ont une relation différente avec les braconniers. Impliquer la population locale est la clé du succès. Ceux qui bénéficient des biens culturels deviennent des multiplicateurs et des ambassadeurs de la cause.
Je sais que ce sont là des théories audacieuses et, surtout, dérangeantes. Les archéologues et les politiciens devraient repenser leurs stéréotypes sur l’ennemi et leur propre comportement. C’est épuisant et douloureux. Mais au final, cela mènerait à un avenir meilleur, dans lequel nous travaillerions ensemble et non les uns contre les autres pour préserver les biens culturels.
Texte et images : Ursula Kampmann
